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Genèse et réforme de la loi antiterroriste en Tunisie

Dans les journaux, les unes s’enchaînent sur la « lutte antiterroriste » en Tunisie. Les récits de la « brigade antiterroriste » et de ses descentes à l’Ariana ou le ratissage du mont Chaâmbi sont devenus une actualité quotidienne, tout comme l’annonce fréquente de l’arrestation de « terroristes » se soldant par des morts du côté militaire et policier comme terroriste. Dans ce contexte, et malgré son caractère anticonstitutionnel, la loi antiterroriste du 10 décembre 2003 est encore utilisée avec, parfois, les mêmes dérives que celles occasionnées sous Ben Ali. Un nouveau projet de loi, comptant 136 articles, est actuellement dans les dossiers de l’Assemblée nationale constituante et commence à être débattu en commission.

En réaction aux événements terroristes contre la maison du ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou le 28 mai, le porte-parole du ministère a déclaré ouvrir une enquête sur cette action, qui reste encore marquée par de nombreuses zones d’ombre. Les théories du complot s’enchaînent, malgré la revendication de l’attaque par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). L’attaque terroriste de Kasserine additionnée aux affrontements du Mont Chaâmbi ne font qu’ajouter à l’angoisse face à une menace terroriste où chacun peine à discerner les acteurs tout comme les causes. Pour la seule année 2013, près de 1 300 arrestations ont eu lieu au titre de la loi antiterroriste, selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Laroui, interrogé en mars 2014. La loi de 2003 visant à « contribuer à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent », suspendue pendant un temps après la révolution, est en effet de nouveau en vigueur en Tunisie.

De l’entrée en vigueur de la loi, en 2003, à la révolution de 2011, près de 5 000 personnes ont été condamnées en vertu de ladite loi à des peines de prison, voire à des condamnations à mort. Or, dès les années 2000, les organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé de façon récurrente les injustices et les tortures commises au nom de la lutte antiterroriste.

Aujourd’hui, les personnes arrêtées au titre de cette loi (assaillants de l’ambassade des États-Unis, salafistes jihadistes, personnes déjà fichées, suspectées de revenir du jihad en Syrie) sont souvent présentées à un juge qui choisit de se référer soit au code pénal, soit à la loi antiterroriste pour les juger. Durant le temps de l’arrestation ou du « raid » effectué par la brigade antiterroriste ou les forces de sécurité, des dérives ont parfois lieu au nom d’une lutte « contre le terrorisme », la loi de 2003 s’étant greffée à une culture répressive en matière de droits de l’homme déjà pratiquée sous Ben Ali. Certains articles de la loi antiterroriste sont ainsi jugés liberticides et anticonstitutionnels par de nombreux défenseurs des droits de l’homme.

Article de Lilia Blaise.ise 

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